Le projet de rénovation d’un tronçon de 190 km de lignes ferroviaires assurant le transport du phosphate permettra la réduction des coûts de maintenance du réseau ferroviaire dont une bonne partie est exploitée depuis plus d’une quarantaine d’années.
S’il existe un secteur susceptible de contribuer à la relance économique du pays et qui a été longtemps en proie à de graves problèmes, c’est bien celui du phosphate dont les réserves s’étalent sur l’ensemble du territoire. Considéré comme l’un des secteurs les plus importants de l’économie nationale représentant une part importante du PIB (de l’ordre de 3%) et des recettes d’exportation (environ 10%) pendant la décennie 2000-2010, il a connu un net déclin depuis 2011 à la suite des contestations sociales. Sa contribution au PIB a chuté à 1,7% en 2020. Les conséquences ont été désastreuses sur l’économie. Or, depuis 2021, le secteur se porte nettement mieux.
Il est utile de rappeler à ce titre que le transport commercial du phosphate assuré en grande partie par la Sncft a été fortement impacté par les contestations sociales qui ont éclaté en 2011, générant des perturbations sur les sites de production. Aux vagues de contestation s’est invitée une mauvaise gouvernance qui avait porté le coup de grâce à cette activité, avec le concours de certaines parties opportunistes cherchant à mettre la main sur les inestimables bénéfices qu’il procurait. Par conséquent, le phosphate a été gangréné par la corruption et le clientélisme une décennie durant. A titre d’exemple, et malgré la chute vertigineuse de la production, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CFG) a augmenté ses effectifs depuis 2011 pour passer de 4.898 à 7.036 employés en 2014, sans compter les 1600 emplois créés censés être dédiés au transport minier et les quelques 4.700 agents recrutés par les sociétés d’environnement affiliées à la CPG et créées après 2011.
2021 : l’industrie du phosphate sort de sa léthargie
Ce n’est qu’en 2021 que le phosphate a commencé à afficher un taux élevé de croissance, atteignant 202% au début de l’année 2022. La production a grimpé à 3.56 million de tonnes en 2022 (2.9MT en 2023), selon le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie. L’augmentation en parallèle du cours du phosphate en raison de la guerre en Ukraine a constitué une aubaine pour la Tunisie et un facteur qui a poussé les décideurs au plus haut niveau à faire plus. Les chiffres enregistrés en cette période attestent de la bonne santé du secteur certes et de son retour en force.
Mais, le phosphate est appelé à optimiser son transport afin de pouvoir répondre à une demande de plus en plus croissante sur le plan international, expliquent les experts. « Le transport phosphate constitue un réel problème qui entrave le processus de transformation », avait souligné le directeur général du Groupement chimique tunisien (GCT), Hédi Youssef, en mai dernier, lors d’une séance d’audience tenue par la commission de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
L’exportation de phosphate : une bouée de sauvetage
C’est dans ce cadre qu’un accord de prêt de développement vient d’être signé entre le directeur général du Fonds saoudien pour le développement (SFD), Sultan Al-Marshad, et la ministre de l’Économie et de la Planification, Feryel Ouerghi. Par le biais de cet accord, le SFD devra contribuer à hauteur de 55 millions USD pour financer le projet de renouvellement et de développement du réseau ferroviaire de transport de phosphate en Tunisie.
Cet accord marque une avancée significative pour améliorer l’infrastructure de transport en Tunisie, d’autant que le projet en question contribuera au renouvellement d’environ 190 km du réseau ferroviaire. Ce sont les objectifs de la rénovation de la parcelle en question des lignes ferroviaires assurant le transport de phosphate. Un renforcement de taille susceptible de faire progresser d’une manière conséquente la capacité de transport du minerai.
Ce projet vise également la réduction des coûts de maintenance du réseau ferroviaire dont une bonne partie est exploitée depuis plus d’une quarantaine d’années. Avec l’exploitation de nouveaux wagons dont la capacité s’élève à 3.200 tonnes, la contribution au développement régional générant de plus la création d’emplois directs et indirects, tout en préservant l’environnement. La première phase de ce projet concerne la partie du réseau ferroviaire de transport situé dans le Sud tunisien, dans les gouvernorats de Sfax, Gafsa et Gabès. La réalisation de cette première phase s’étalera sur 2 ans.
La diversification des partenaires, salutaire pour la Tunisie
L’économiste Ridha Chkandali considère comme positif l’octroi de ce prêt et rappelle dans sa déclaration à La Presse, ses recommandations dévoilées quelques mois auparavant, visant à assurer à la Tunisie une sortie de crise, en comptant sur ses propres moyens. Il évoque à cet effet un plan de sauvetage rapide axé sur quatre piliers, à savoir le développement de la production de phosphate, les transferts en devises des Tunisiens résidant à l’étranger, les entreprises totalement exportatrices et les fonds en liquide issus du marché informel. Il ajoute que l’exportation du phosphate pourrait contribuer à réduire considérablement le déficit, augmenter les recettes de l’Etat et développer l’économie nationale.
Grâce au retour en force du phosphate, les entrées en devise augmenteront et le pays sera en mesure de payer ses dettes, sans toutefois affecter les besoins du marché et sans risque d’impacter le taux de croissance, observe-t-il.
Il est important de recourir, selon notre interlocuteur, à des prêts de développement en dépit du fait que nous ignorons le taux d’intérêt du prêt accordé par le Fonds saoudien pour le développement. Cependant, la migration vers l’Orient aux dépens de l’Occident, qui est accusé de s’ingérer dans les politiques internes des pays emprunteurs, doit s’instaurer, argumente Chkandali, dans une optique de diversification des sources de financement, et ne doit pas rompre avec l’Occident, et ce en raison de la situation stratégique de notre pays qui tire profit de l’exportation des produits vers les pays européens plus proches de la Tunisie géographiquement. « Il est important de préserver nos relations économiques ancrées dans l’histoire avec les pays occidentaux, notamment la France, l’Italie et l’Allemagne. Cela ne signifie pas pour autant que la Tunisie doit se limiter à un certain nombre de partenaires, mais doit diversifier ses relations de coopération avec d’autres pays, en particulier pour attirer les investissements », conclut l’économiste.